Il y a certaines périodes de l’année comme ça qui sont d’emblée classées dans la conscience collective comment étant des périodes clés, des moments importants, des espèces d’étapes temporelles quasi-universellement reconnues pour être l’heure propice aux résolutions, et pas n’importe lesquelles, puisqu’il est tacitement convenu qu’il faut prendre les bonnes. C’est ainsi qu’au moins trois fois par an (c’est bien, ça donne le droit de ne pas y arriver à 3 reprises), à la rentrée, au nouvel an et le jour de notre anniversaire, on se résout fermement à se remettre au sport, à perdre du poids, à mieux manger, à lire davantage, à mieux dormir, à moins boire, à arrêter de fumer, à ne plus s’énerver, à méditer, à consommer de façon plus responsable, à ne pas être tout le temps sur son smartphone ou sa tablette, à se lever plus tôt, à se coucher moins tard, etc., etc… la liste peut être infinie, et surtout infiniment plombante. L’illusion est que si la prise de résolution nous semble libératoire au moment où elle se décide, elle est en réalité une prison mentale dans laquelle on s’enferme, avec comme compagnons de cellule la déception de nous-même et la démotivation absolue (logique, puisque personne ne réussit à tenir ces soi-disant bonnes résolutions !). Du coup, une question se pose autant qu’elle s’impose : et si LA SEULE bonne résolution qui méritait d’être prise était justement de ne pas en prendre du tout ?
Les résolutions : une croyance davantage qu’un engagement
Comme souvent, pour comprendre une chose et déterminer pourquoi elle est inefficace, il faut remonter à son origine. Et en ce qui concerne les résolutions, eh bien il faut se tourner, sans grande surprise, du côté de la religion. Car le début de l’histoire se passe un jour de début d’année, un jour où les Babyloniens de l’Antiquité s’engageaient devant leur Dieu à honorer leurs dettes. Le rituel a ensuite été repris par les Romains, qui eux faisaient des promesses à l’un de leur propre Dieu : Janus. Au fil des siècles, la tradition s’est transmise et transmise encore, jusqu’à aujourd’hui où nous prenons ces bonnes résolutions aussi machinalement que par obligation plusieurs fois par an, histoire de se booster… enfin… c’est ce que l’on croit…
Les résolutions ne sont que des espérances…
Malgré le côté divin inconscient mais bien réel des bonnes résolutions, pourquoi donc n’arrivons-nous pas à les tenir ? Eh bien, justement à cause de cet aspect religieux ! Car le divin, même s’il paraît lointain, nous pousse insidieusement sur un autre chemin que celui de l’action (nécessaire à toute résolution, n’est-ce pas ?), un chemin très, très éloigné : le chemin de la croyance. Pourquoi croyez-vous que ces bonnes résolutions se prennent à des dates spéciales ? Des dates synonymes de nouveauté, de renouveau, de redépart ? Tout simplement parce que ce côté traditionnel des résolutions nous fait intuiter (à tort) que c’est le renouveau de la vie à cet instant T qui va faire tout le boulot à notre place. En réalité, on ne formule pas une résolution comme on voudrait bien le croire dans le sens d’une bonne décision. On formule un souhait, que l’on espère secrètement voir se réaliser tout seul, par la magie de la nouveauté, que cette dernière vienne du 1er janvier, de la rentrée scolaire, ou de la date d’anniversaire et de la bougie supplémentaire…
Résolutions versus objectifs
De tout cela découle le fait qu’une résolution ne peut pas se tenir. Ça, c’est une bonne nouvelle : on peut largement déculpabiliser de ce que l’on prenait pour des échecs systématiques et répétés ! Et si une bonne résolution est intenable, c’est déjà parce qu’on ne la prend pas réellement pour soi. Quoi qu’on en dise, on porte en nous les traces du passé. Et lorsque l’on prend cette résolution de rentrée, de nouvelle année ou d’anniversaire, c’est sûrement un peu cet ancien Babylonien qui essaie juste de se faire bien voir de son Dieu en lui promettant de bonnes actions. C’est aussi cette voix collective qui (vicieusement, si, si) nous fait nous sentir obligé de décider de changer quelque chose chez nous, oh ! être imparfait que nous sommes ! Bref, la résolution n’est pas une décision réelle, une décision qui nous est propre. Et à la place de ces résolutions, peut-être vaudrait-il mieux se lancer des objectifs, car les objectifs, eux et à l’inverse, forcent à l’engagement sur le long terme, et à la réflexion des moyens d’action à mettre en œuvre pour y parvenir. Avoir un objectif responsabilise, quand prendre une bonne résolution infantilise probablement, un petit peu, quelque part…