Nous avons tous des secrets. Et quelles que soient leurs natures, nous avons tous constaté combien il est fatiguant de les garder, de les préserver dans cette petite boîte mentale que nous possédons tous et que nous voulons bien garder scellée, hermétiquement. Il n’y a pourtant pas de honte à avoir des zones mystérieuses aux yeux des autres, et elles font même partie de la construction psychologique normale et saine de toute personne, notre fameux jardin secret qu’il convient d’entretenir. Mais il semblerait bien que notre cerveau ne l’entende pas ainsi. Car ce dernier n’est techniquement pas fait pour garder les secrets. Et pire que ça : à force de le contraindre à le faire, il n’y a pas que l’épuisement physique et mental qui nous guette, mais bel et bien la maladie. Explications…
Vous pensez que le plus fatiguant dans les secrets, c’est de les dissimuler ?
Un sondage réalisé sur 5000 personnes a révélé que nous étions 97 % à avoir au moins un secret, mais qu’en moyenne nous entretenions pas moins de 13 petites cachotteries à notre entourage, personnel ou professionnel. Elles peuvent avoir trait à nos désirs, nos préférences sexuelles, nos tricheries, nos infidélités amoureuses ou amicales, nos opinions non assumées ou simplement inappropriées dans un contexte précis, ou encore nos addictions, nos complexes ou nos traumatismes passés, tous nos non-dits engendrent une augmentation démontrée du niveau d’anxiété, du stress, des symptômes de la dépression, et l’apparition d’un état général reflétant une mauvaise santé. Dans certains cas, avoir des secrets provoque même une progression plus rapide d’une maladie déclarée. Et la faute en revient non pas à l’effort fourni pour les taire (certes considérable) mais bien à la dépense d’énergie constante de notre cerveau à les ruminer. Car mécaniquement, le cerveau est obligé de se les rappeler sans cesse pour éviter de se trahir par étourderie, que ce soit une trahison orale ou par le langage du corps. Et c’est là où le cercle vicieux se met en branle : car une fois qu’on a pris conscience de cela et que l’on essaie de ne plus penser à nos secrets, eh bien on y pense encore plus ! Toutes les pensées sont alors parasitées, mais également toutes les interactions sociales. Tous nos secrets deviennent donc un bruit de fond constant, permanent. Et c’est bien cela qui use, qui épuise, c’est bien cela qui empoisonne littéralement la tête mais également le corps tout entier. Ce qui est fatiguant dans les secrets au point d’être dangereux pour la santé, c’est bien de se les ruminer sans arrêt.
Des circonstances actuelles aggravantes
L’ère d’Internet et des réseaux sociaux avec le culte de la transparence absolue qui va avec ne fait bien sûr rien pour arranger les choses. Car il devient de plus en plus difficile (voire quasi impossible pour quelqu’un de « connecté ») de préserver une zone d’ombre ou tout simplement de mystère. La peur de se trahir tout seul se transforme donc et carrément en véritable psychose d’être démasqué au grand jour, à la vue de tous, mis littéralement sur le bûcher de l’étalage universel. À cette peur de la punition publique s’ajoute en plus un sentiment de honte et de culpabilité de ne pas réussir à être « parfait » selon les codes de cette nouvelle norme de transparence tyrannique. Avoir une vie mentale intime aujourd’hui est presque considérée comme répréhensible, et cela génère tout simplement une angoisse perpétuelle invivable. Là est un nouveau danger que peut-être nous ne saisissons pas bien encore et qui pourtant progresse petit à petit. Vicieusement pourrait-on même dire. Car cette mouvance totalitaire qui contraint à tout rendre public prive tout simplement l’être de cet espace de liberté où il peut s’imaginer, se rêver, s’inventer pour se recréer. À être obligé aujourd’hui de plaire à tout le monde sans offusquer personne, on se perd soi-même et on perd l’autre aussi. On perd l’essence même de ce qui fait la société : le lien social, le vrai.