« Le faible ne peut jamais pardonner. Le pardon est l’attribut du fort. »
Voilà ce que Mahatma Gandhi disait du pardon…
Déception, trahison, humiliation, agression… Non, pardonner n’est pas un acte facile en soi, il n’est pas un acte naturel non plus. Il est bien plus simple, et plus instinctif, de cultiver de la colère et de la rancœur, de continuer à en vouloir à l’autre, pour finalement lui en vouloir de tous les maux qui suivront, de faire de lui le seul et unique responsable de toute sa vie. La société actuelle n’aide en rien la démarche, pourtant si bénéfique, du pardon. Le monde d’aujourd’hui prône la lutte, le combat, et laissant paraître le pardon comme un acte de faiblesse, elle invite davantage à prendre les armes et à se venger, encore, toujours, à être en colère pour s’affirmer, à placer toute son identité dans cette colère, alors que c’est justement le meilleur moyen de reproduire et d’entretenir la blessure et le gouffre de souffrance qu’elle génère. Toutes les victimes qui ont pardonné s’accordent à dire que c’est bien cela qui les a libérées, et qui a redonné un nouvel élan à leur vie.
Ce que le pardon est :
Le pardon, c’est décider de ne plus souffrir
Si agressivité, colère voire haine, sont utiles et saines dans un premier temps, ces mêmes émotions cultivées et entretenues sur la durée ne sont qu’un puits sans fond de douleurs, et parfois même une véritable menace. Ce sont des sentiments très violents qui, s’ils ne sont pas retournés contre un adversaire, seront inévitablement retournés contre soi-même. D’où les processus d’autodestruction consécutifs à une blessure profonde qui sont loin d’être rares. La haine est un poison, mais c’est celui qui la ressent qui s’empoisonne. Et les personnes qui passent à l’acte de la vengeance témoignent que cela ne les a en rien soulagées. Le pardon, c’est tout d’abord accueillir cette colère, l’observer, puis la regarder se dissoudre. Ce n’est pas l’agresseur qui est soulagé par ce pardon. C’est celui qui pardonne.
Le pardon, c’est en finir avec la culpabilité
Paradoxalement, beaucoup de victimes culpabilisent de ce qui leur est arrivé. Elles se sentent responsables, fautives de leur propre mal. Pour pardonner, il faut déjà redéfinir les rôles et remettre chaque acteur à sa place. Le pardon, c’est s’accepter et se voir de façon lucide comme victime d’un bourreau et non plus l’inverse. Le pardon permet de s’extraire du « je suis impardonnable de m’être fait avoir, de ne m’être pas défendu, de ne pas avoir agi autrement », rengaine qui entraîne la plupart du temps l’autodestruction, la souffrance et la douleur encore, toujours reproduites. Dans certains cas, viol et inceste par exemple, sortir de cette culpabilité malsaine est tout simplement une question de survie. Et le pardon permet cela.
Le pardon, c’est redevenir acteur de sa vie
Lorsque la souffrance n’est plus, lorsque la culpabilité a disparu, ce sont bel et bien les murs d’une prison mentale dans laquelle on s’était soi-même enfermé qui s’écroulent. Celui qui a pardonné cesse de subir perpétuellement sa vie, les autres, les évènements. Libéré, il peut à nouveau décider, choisir, pour lui. N’étant plus entravé par des chaînes invisibles et pourtant bien réelles, il retrouve de la mobilité, le pouvoir de se mouvoir et d’avancer. Et loin d’être affaibli par le drame du passé, il n’en sera que plus fort et grandi.
Ce que le pardon n’est pas :
Pardonner n’est pas passer l’éponge
Pardonner n’est pas excuser, ni oublier. Beaucoup de personnes désireuses d’aller sur la voie du pardon se leurrent. Croire que l’on a pardonné parce que l’on « arrive » à faire comme si rien ne s’était passé est une grosse et dangereuse erreur. C’est un peu comme allumer la mèche d’une bombe qui explosera un jour ou l’autre. Le pardon est tout l’inverse des œillères : il est la lucidité même. Et pardonner n’enlève en rien le côté répréhensible d’un acte. Il n’empêche pas non plus de porter plainte auprès de la justice si les faits commis sont punis par la loi.
Pardonner n’est pas flatter son égo
On pardonne pour soi et uniquement pour soi. On ne pardonne pas par politesse, par peur, ou pour faire plaisir. Ni pour faire plaisir à l’autre, ni pour se faire plaisir. Réduire l’acte de pardon à une performance personnelle, à une preuve de sa supériorité et de sa grandeur d’âme, est une erreur et elle n’est pas rare. Cette confusion est souvent commise par des personnes en souffrance qui, pleines de bonnes intentions et de bonne volonté, s’égarent et croient sincèrement pardonner. Mais ce faux-pardon ne les aura en rien délivrées de leur blessure.
Comment sait-on que l’on a vraiment pardonné ?
Lorsque vous ré-habitez votre propre corps, lorsque vous cessez d’être juste un témoin de votre vie, lorsque vous n’avez plus l’impression d’être là, sur le quai d’une gare à attendre et à voir les trains passer sans monter dans aucun, lorsque l’évocation des faits passés n’est plus ressentie comme un coup de poignard dans le ventre, c’est que oui, bel et bien, vous avez pardonné.