Ne consommer ni viande ni poisson chaque premier jour de la semaine, le fameux mouvement du « lundi vert » lancé par 500 personnalités convaincues de ce geste éco-responsable, peut paraître, au premier abord, une bonne initiative, et vu la période de l’année, une très bonne résolution. Mais comme cela devrait l’être pour chaque nouvelle idée lancée, avant de la suivre tête baissée, il paraît important d’en observer tous les aspects. Car comme toujours, rien n’est ni tout noir, ni tout blanc, et surtout : est-ce qu’on vous dit vraiment tout ?
Le lundi vert : un mouvement plein de bonnes intentions
Depuis déjà plusieurs années, l’OMS n’a de cesse de nous alerter sur les dangers d’une alimentation trop riche en viande, et particulièrement la viande transformée type charcuterie et la viande rouge, mises toutes deux en cause dans certains cancers. Par ailleurs, dans un contexte de prise de conscience quasi générale de l’état de santé de la planète, on sait aujourd’hui que l’élevage intensif est l’une des premières causes du réchauffement climatique. Un chiffre pour bien se rendre compte, quand même : pour produire 1 kilo de bœuf, 15 500 litres d’eau seront nécessaires. C’est tout simplement effarant. Enfin et surtout malheureusement, ce que les personnalités à l’origine du lundi vert décrient le plus, c’est la maltraitance animale. En effet et toujours malheureusement, les conditions d’élevage et d’abattage industriels sont bien loin de respecter la cause des vaches, des cochons ou encore des poulets qui méritent, et là il n’y a aucun débat possible, d’avoir des conditions de vie et de mort dignes des êtres vivants qu’ils sont.
Le lundi vert : une initiative que beaucoup jugent hypocrite
Là bien sûr, on peut se dire que ce sont les bouchers et les pêcheurs qui s’empressent de critiquer le mouvement. Mais non. Agriculteurs, commerçants, artisans ou encore politiques, beaucoup rejettent en bloc le déjà fameux lundi vert. Au-delà du fait que certains remettent en cause la légitimité des signataires de cet appel (mais honnêtement : est-ce vraiment là le débat et l’urgence ?), de nombreuses personnes estiment que ce lundi végétarien est en complet décalage par rapport aux problèmes réels. Certains détracteurs vont même jusqu’à parler d’hypocrisie et de lubie de « bobos ». Sans parler du fait que les personnalités publiques qui nous invitent au lundi vert sont ceux-là même qui prennent l’avion toutes les semaines et ont, de fait, un bilan carbone dramatique, il faut bien comprendre que toutes les viandes ne se valent pas, et qu’il est bien trop facile de tout mettre dans le même panier. Prenons un exemple : en Amazonie brésilienne, la production du soja (responsable tout de même de la déforestation) qui sert à nourrir le bétail a bien sûr un impact sur la dégradation de la planète. Mais ce que l’on oublie de nous dire (ou que simplement on ne nous dit pas), c’est qu’en France, les bovins sont essentiellement nourris à l’herbe. L’Interbev (l’interprofession bétail et viande) rappelle également que, en France toujours, « 90 % de l’alimentation des troupeaux provient de l’exploitation elle-même ». Autrement dit : pas d’importation de soja, pas d’influence sur la déforestation en Amazonie, et une facture carbone largement moins dramatique qu’un aller-retour en jet privé. Enfin, il ne faut pas oublier qu’il existe des paysans réellement soucieux du bien-être de leurs animaux, conscients des problèmes environnementaux et investis à 200 % pour faire leur métier de la façon la plus vertueuse possible.
Le lundi vert : un mouvement peut-être trop simpliste face à un problème plus complexe
Le hic finalement avec les personnalités à l’origine du mouvement, c’est qu’ils ne ciblent pas les choses comme ils le devraient. Car le problème, c’est bien l’élevage industriel et intensif, et pas le fait de manger de la viande ou non. D’ailleurs, vu le contexte actuel, il y a déjà de très nombreux français qui n’en mangent pas le lundi, ni les jours suivants d’ailleurs, tout simplement parce qu’ils ne peuvent pas se la payer. Autre hic : en ne dénonçant pas clairement les choses, le lundi vert en rajoute une couche aux éleveurs (ceux qui aiment leurs bêtes, il y en a plus que ce qu’on veut bien nous dire, et surtout en France, on a au moins cette chance), et cette stigmatisation proche de l’acharnement est totalement injustifiée. Alors oui, pour des raisons environnementales et de santé, il conviendrait de manger moins de viande et de la préférer de qualité. Car si vous vous dites que vous méritez une auréole de sainteté pour être végétarien le lundi et sauter les autres jours de la semaine sur du poulet nourri au soja amazonien et élevé en cage, ça ne veut tout simplement plus rien dire du tout.