Avoir une attitude positive face aux évènements de la vie, notamment les plus difficiles, est une force, la plupart du temps. Mais à l’ère de l’omniprésence des réseaux sociaux, cette positive attitude semble être devenue une obligation. De la même façon qu’il convient de s’habiller avant de sortir dans la rue, il faut aujourd’hui s’afficher en société comme une personne positive, tout le temps, quoi qu’il arrive.
Résultat : une pression constante à tenter d’être positif et heureux, un effort permanent pour étouffer certaines émotions saines et naturelles telles que la tristesse et la colère, et, évidemment, un sentiment d’échec parce que tout cela est intenable.
La pensée positive, un mouvement qui ne date pas d’hier
La pensée positive a été fondée dans les années 50 par un pasteur américain. Il s’agit donc d’un mouvement présenté comme une pseudo-science, dont l’inspiration religieuse est centrale. Le principe de la pensée positive consiste à être optimiste quelles que soient les circonstances. Pour se faire, il « suffit » de se concentrer sur les moments de bonheur, d’ignorer les autres, de pratiquer la gratitude et de visualiser sa réussite à venir.
Cette culture de la pensée positive est intimement liée à la loi de l’attraction : en étant positif soi-même, on attirerait uniquement des choses positives dans sa vie.
Il ne fait aucun doute que la pensée positive, notamment à travers l’utilisation d’affirmations positives, peut être un outil de développement personnel intéressant. Elle peut permettre de doper l’estime de soi dans un moment difficile, de se donner du courage avant une épreuve.
Le danger de la pensée positive réside dans le fait de nier les émotions dites « négatives » pour être optimiste absolument tout le temps. Lorsque la tendance de la pensée positive pousse à éviter et à supprimer la tristesse, la peur ou encore la colère, elle devient une injonction hautement toxique pour la santé mentale.
Lorsque la positivité devient toxique
Dès lors que les émotions considérées comme désagréables sont niées, ignorées, évitées, elles deviennent plus grandes. Il est tout simplement impossible de les remplacer systématiquement par une émotion positive comme la joie, la satisfaction et la gratitude, car en réalité, la colère, la peur et la tristesse restent là, enfouies certes, pour un temps, mais bien là et surtout non traitées par le cerveau.
A partir de là, un processus redoutable se met inévitablement en place : plus l’émotion est chassée, plus elle revient à la charge. Le cerveau peut ainsi être comparé à un logiciel informatique qui reçoit l’information d’une mise à jour disponible. Tant que vous n’avez pas exécuté cette mise à jour, votre ordinateur vous la reproposera. Et si vous ne faites jamais vos mises à jour, un jour ou l’autre, votre ordinateur plantera.
Les émotions, TOUTES les émotions, sont à considérer comme des mises à jour. Le cerveau a besoin de les identifier pour pouvoir les traiter et passer à autre chose. Sinon, il bloque dessus. Or pour identifier ces émotions, il faut évidemment accepter qu’elles existent, qu’elles soient là, de passage.
Les émotions comme la tristesse, la peur et la colère font partie intégrante de la vie. A recevoir des injonctions de pensée positive à longueur de temps notamment via les réseaux sociaux, une personne qui va mal et qui en a le droit va se sentir encore plus mal. « Pourquoi les autres y arrivent et pas moi ? »
De plus, ce positivisme toxique va instaurer chez elle une dissonance cognitive à cause de pensées contradictoires du type « je suis triste / je dois être heureux ».
Les conséquences de tout cela sont une tension interne intense, du stress, de la culpabilité, une chute de l’estime de soi et une difficulté de plus en plus grande à comprendre les émotions, non seulement les siennes, mais également celles des autres.