« Doutons même du doute » (Anatole France)
Depuis le tout début de notre scolarité (ou à peu près par-là), on nous apprend que le doute est sain, et qu’il faut le cultiver. Ne pas être trop sûr(e) de soi, se remettre en question pour avancer et se challenger, même. Être humble pour rester lucide et pouvoir s’améliorer toujours. Au travail comme dans la vie personnelle et privée, on nous a appris qu’il fallait douter. Oui mais voilà : parfois, et plus souvent qu’on ne le croit, le doute, ce doute, va trop loin. Le syndrome de l’imposteur s’installe maladivement, nous faisant vivre toutes nos réussites et toutes nos joies sous le spectre de l’imposture, nous faisant croire que l’on ne mérite pas, sûrement pas, ce que l’on a eu « la chance » d’avoir et de vivre.
Qu’est-ce que le syndrome de l’imposteur et comment se défaire de ce mécanisme psychologique parfois dévastateur ? On fait le point.
Le syndrome de l’imposteur : quand le doute de sa propre légitimité s’impose…
C’est en 1978 que le terme de « syndrome de l’imposteur », ou « syndrome de l’autodidacte » a été créé par deux psychologues, Pauline Rose Clance et Suzanne A. Imes. Il désigne une sorte de doute maladif qui fait nier la personne qui en souffre toute forme d’accomplissement personnel. Leurs réussites, elles estiment que ce sont des impostures. Elles-mêmes, elles ne sont que des personnes qui abusent de la crédulité d’autres, des « dupeurs » en quelques sortes qui vivent chaque jour avec la peur au ventre d’être démasqués dans leur médiocrité.
Le syndrome de l’imposteur, malgré l’emploi du mot « syndrome », ne doit pas être assimilé à une maladie. Il s’agit plutôt d’un mécanisme psychologique dont chacun peut faire l’expérience ponctuellement (on estime qu’entre 60 et 70 % de la population aurait vécu ce syndrome de l’imposteur au moins une fois), alors que d’autres peuvent vivre sous le joug de cette impression d’imposture toute leur vie.
Le syndrome de l’imposteur : pourquoi ce doute aussi injustifié que dévastateur ?
Ce trouble psychologique est encore mal connu. Mais il semblerait que ces « imposteurs », pourtant des adultes la plupart du temps reconnus par leurs familles, amis et collègues comme des personnes largement compétentes voire douées, commencent à créer en eux ce mécanisme inconscient de défense durant leur enfance, en ayant eu à faire face à des messages perturbants. Ces messages peuvent prendre différentes formes :
- Si l’enfant est perçu différemment à l’école et à la maison. Par exemple, des parents qui trouvent leur enfant génial tandis qu’à l’école on lui rappelle qu’il n’est que très médiocre. Dans le doute, l’enfant n’enregistre que l’opinion négative car l’autre lui apparaît mensongère, existant juste parce que ce sont ses parents et qu’ils ne veulent pas lui faire de la peine.
- Si l’enfant est perçu comme bon à l’école, mais que ses parents le qualifient de génie ou de surdoué. Dans ce cas, l’enfant ne peut pas percevoir ses réussites comme les résultats de ses efforts au travail. Par ailleurs, il manifestera une peur exagérée et néfaste de l’échec. Il développera un schéma d’obligation de performance extrêmement lourd à porter (et à tenir).
- Si l’enfant n’est absolument pas valorisé dans son environnement familial. Dans ce cas-là, l’enfant aura beaucoup de difficultés à se construire une image de lui positive lui permettant de reconnaître lui-même ses qualités et ses aptitudes.
Le syndrome de l’imposteur peut aussi bien toucher les hommes que les femmes.
Est-ce que je souffre du syndrome de l’imposteur ? Quels sont les « symptômes » ?
Il est difficile d’établir une liste de « symptômes » (« symptômes » entre guillemets car nous le rappelons une nouvelle fois, souffrir du syndrome de l’imposteur n’est pas une maladie) tant ce mécanisme est encore peu connu et peu compris, aussi bien par les professionnels que par les personnes qui en souffrent. Toutefois, certains signes comportementaux, certains traits de caractères, se retrouvent chez les pseudo-imposteurs :
- L’introversion
- La gêne face aux compliments et la difficulté à les recevoir
- La tendance à surestimer les compétences et les performances des autres
- La peur permanente liée à l’échec
- La panique et l’angoisse proche de la terreur lorsqu’il est question d’une quelconque évaluation
- La culpabilité de réussir (incompréhensible aux yeux des autres mais tellement logique puisque les personnes souffrant du syndrome de l’imposteur croient obstinément ne pas mériter leurs succès)
Le syndrome de l’imposteur : comment sortir du cercle vicieux ?
Même si le syndrome de l’imposteur n’est pas une maladie mentale, il n’est pas néanmoins sans risques. Il favorise un repli sur soi qui peut être néfaste, entretient une pensée négative perpétuelle forcément délétère à long terme, et peut facilement conduire au burn-out à force d’un travail excessif destiné, non pas à prouver ses compétences, mais à masquer son imposture. Dans tous les cas, il est clairement un frein à l’épanouissement personnel, et ne serait-ce que pour ça, il mérite que l’on s’en débarrasse.
Si vous pensez souffrir du syndrome de l’imposteur, ne craignez pas de vous adresser à un professionnel comme un psychologue pour lui demander de l’aide. Mais finalement, toutes les techniques de développement personnel peuvent vous aider. Il « suffit » de trouver la vôtre, celle qui vous permet de réévaluer tranquillement et positivement l’image de vous. Sophrologie, yoga, art-thérapie, méditation, ou encore dadathérapie !
Si vous êtes touché(e) par le syndrome de l’imposteur, il est très probable que vous ayez un mal fou à vous octroyer du temps juste pour vous. Et le simple fait de commencer par là peut déjà permettre de désamorcer ce mécanisme de pensée qui sape littéralement toute votre estime de vous.